« On ouvre des portes, une à une. La distance qui sépare une porte de la suivante, on met des mois à la franchir, parfois des années. On est sans impatience. On va d'un pas égal, ni trop lent, ni trop pressé. La main sur la poignée tremble à peine. Dans une pièce il y a un cerisier en fleur. Dans une autre trois flocons de neige. Dans une autre encore une chaise de lumière. On reste sur le seuil, on s'efface contre la porte. On laisse entrer ce qui est bien plus grand que soi – on laisse aller le ciel auprès du cerisier, l'enfance courir jusqu'à la neige, l'ombre s'asseoir sur la petite chaise. Et puis on repart ouvrir d'autres portes, un peu plus loin. C'est une activité somnambule, faussement calme, à peine consciente. On appelle ça : écrire. »
Extrait de Une petite robe de fête, Christian Bobin, Folio, Gallimard, 2015
Et plutôt que commenter, voici entre écho et réponse ces phrases poétiques de Philippe Jacotet : « Ainsi le parfum de la violette de mars, qui fanera pourtant, semble creuser un couloir ténébreux et velouté dans le mur du temps et s’ouvrir brusquement sur ce qui n’a plus ni nom, ni parfum, ni saison. » Observations et autres notes anciennes, Gallimard, 1998
Que la poésie soit dans nos vies pour visiter ces parties inconnues, inexplorées de nous-mêmes, quand, quelles que soient les circonstances nous redonnons à nos vécus la saveur du sens.
Viviane Cangeloni
Kommentare